La politique de la compassion
Le candidat à l’élection présidentielle est un personnage qui ne peut se permettre de rater une occasion de témoigner sa compassion et sa sensibilité extrême quant au malheur des français. Plutôt que de parler de choix économique (je n’ose dire « cohérence politique »), il est important de réagir à chaque coup dur et de bien montrer que l’on est au moins aussi préoccupé que tout le monde et qu’en conséquence, la veille, sous le choc, on n’a pas repris 3 fois des moules.
Dernier exemple en date : EADS. L’édito du Canard de cette semaine (7 mars 2007) est très explicite à ce sujet. La cohérence politique vole en éclat régulièrement, mais surtout dans ces moments là.
Alors que des temps obscurs attendent l’entreprise, voici le message des 3 principaux candidats (je compte désormais Bayrou comme 3ème homme, je pense que personne ne m’en voudra, maintenant qu’il aurait dépassé les 20% d’intentions de vote) : l’Etat doit davantage s’engager dans EADS, ce qui sous-entend très clairement « l’Etat va sauver EADS » et indirectement « nous ne laisserons pas le libéralisme sauvage faire du mal aux français ». Accessoirement, « votez pour moi » mais si je commence à l’écrire là, je devrai le rajouter à la fin de chaque paragraphe.
C’est effectivement peu surprenant de la part de Ségolène. Après un Master’s Degree en démagogie, une thèse en « Le peuple français » et un stage de fin d’étude chez Colgate, impossible qu’elle loupe une occasion pareille, qui plus est quand la gauche prône généralement plus d’intervention de l’Etat que la droite. Passons donc pour Ségolène. Bayrou quant à lui parle de la dette de la France (jusque là, bravo l’artiste, c’est déjà plus de courage politique que les deux autres). Mais pareil, il voudrait davantage d’engagement de l’Etat quand l’Etat est déjà très engagé auprès de banquiers et créanciers pléthoriques. Et finalement, Sarko : le roi du libéralisme économique, qui annonçait il y a peu encore que « les Etats ne sont pas les partenaires les plus avisés », veut lui aussi plus d’Etat dans EADS. Complètement en place, stable, dosé.
L’impression est qu’en cas de malheur, proposer une vraie analyse économique semblerait indécent. Expliquer les choses telles qu’elles le sont n’est apparemment pas le boulot des politiques, encore moins des candidats à la présidentielle.
L’honnêteté intellectuelle est rarement récompensée en politique. Rappelons nous du « l’Etat ne peut pas tout » de Jospin devant les ouvriers de Michelin, tellement véridique, mais tellement funeste pour un candidat en période électorale …